« Vous devriez venir voir par vous-même », a lancé Kassem Aïna à trois reprises lors de l'interview. Directeur de l'association Beit Atfal Assoumoud, le partenaire local du projet Ello au Liban, l'homme est des plus accueillants. D'une extrême courtoisie, il ne se départira presque jamais de son sourire tout au long de l'entrevue. Une rencontre chaleureuse, qui offre un contraste criant avec le sort des réfugiés palestiniens au Liban.
Le Japon, la France, la Malaisie, la Norvège… sont autant de pays qui soutiennent votre association. Êtes-vous amené à voyager fréquemment dans le cadre de votre travail ?
Certainement. Je suis arrivé en Belgique hier et je repars demain pour une conférence à Rome. Avec l'âge, j'essaie de limiter mes voyages, mais avant, je me rendais aux quatre coins du monde.
Mais vous n'êtes jamais retourné dans votre pays…
Malheureusement, non. Mais je garde cet espoir de retour, tout comme les 427 000 réfugiés palestiniens au Liban. Vous savez, même après 64 ans d'exil, notre rêve est toujours intact.
À quoi ressemble la vie d'un réfugié palestinien au Liban ?
Cela va vous paraître inconcevable, mais les Palestiniens n'ont aucun droit civique. Un grand nombre de professions, plus de 70 au total, leur sont inaccessibles. La loi leur interdit par exemple de travailler comme ingénieur, médecin, infirmière ou professeur.
De plus, ils sont obligés de vivre dans les territoires que le gouvernement a mis à leur disposition en 1948. Il serait plus juste de dire qu'ils y résident, parce que d'un point de vue légal, les Palestiniens n'ont pas accès à la propriété.
Il faut aussi savoir que la superficie de cette zone est restée inchangée : au début, elle accueillait 100 000 réfugiés palestiniens, mais en compte quatre fois plus aujourd'hui.
Comment est-ce possible ?
Le moindre cm² est exploité : on construit un étage, puis un autre, jusqu'à sept s'il le faut. Cela n'a bien entendu rien d'idéal. Cette construction anarchique a des conséquences désastreuses. Les gens vivent entassés les uns sur les autres, ils sont parfois des milliers dans une même rue. Enfin, une ruelle plutôt … Il n'y a pas d'espace ouvert et encore moins de lumière. Et je ne parle même pas des réseaux d'eau et d'électricité – je pense que de nombreux pays africains sont mieux équipés à ce niveau.
Les réfugiés ne peuvent-ils pas compter sur le soutien de la population libanaise ?
Les Libanais sont partagés : une grande partie d'entre eux n'ont rien contre nous, mais leur aide se limite à un soutien moral. Ce qui ne représente évidemment pas grand-chose quand on a urgemment besoin de nourriture, d'un logement et d'une formation correcte.
Ce sont à ces besoins que répond votre organisation, Beit Atfal Assoumoud ?
Nous nous occupons de la formation des réfugiés car nous pensons qu'elle est la clé d'une vie meilleure dans les camps. Premièrement, parce qu'elle offre aux jeunes des perspectives d'avenir : une formation de qualité est indispensable pour obtenir un emploi décent et, espérons-le, une vie meilleure. Deuxièmement, il faut savoir que tous les partis politiques et religieux cohabitent dans les camps, y compris les fondamentalistes. Le fait de suivre une formation, puis de décrocher un travail, éloignent les jeunes de la rue et donc, des dangers de ce type. Mais ce qui est primordial, c'est que cette formation leur rend leur dignité d'être humain.
Quelles sont les formations proposées aux jeunes ?
Notre centre s'adapte aux besoins des jeunes. Pour le moment, ils peuvent suivre des formations en informatique, électricité, plomberie, travail de l'aluminium, graphisme, photomontage et construction.
Le travail de l'aluminium est l'option la plus populaire. Étant donné que le Liban est en plein développement économique, presque tous les jeunes trouvent du travail très peu de temps après avoir terminé la formation.
Une formation standard dure quatre à cinq mois et est organisée pour une quinzaine d'étudiants. La majorité d'entre eux suivent les cours cinq jours par semaine, à raison de trois-quatre heures par jour. Ceux qui n'ont jamais été scolarisés reçoivent une attention particulière lors de la formation. C'est logique : comment pourraient-ils travailler dans la construction s'ils sont incapables de calculer des dimensions, par exemple ?
Quels autres services le centre offre-t-il aux réfugiés palestiniens ?
Notre centre dispose d'une polyclinique, d'un cabinet dentaire et d'une crèche dans chacun des camps. Nous organisons aussi régulièrement des activités parascolaires pour les enfants, qui peuvent ainsi laisser libre cours à leur créativité par la danse, le chant, la peinture,… Pour eux, ce grand espace de liberté et de jeu est un vrai paradis !
Si on tient compte de tous ces éléments, nous nous occupons de milliers d'enfants et de jeunes dans le besoin. Et notre offre de services s'étoffe chaque année. En revanche, les conditions de vie dans les camps de réfugiés se détériorent.
Comment les choses devraient-elles évoluer ?
Je vous parlais à l'instant de notre rêve, retourner en Palestine, mais c'est en fait un droit. Nous savons que notre pays est occupé par les Israéliens. Tout ce que nous voulons, c'est vivre en paix, tous ensemble, comme le faisaient nos grands-parents. Pourquoi continuer à se battre ? Nous ne demandons que la justice et la paix.
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